La gauche française est aujourd’hui synonyme de désordre. Loin de son histoire populaire et glorieuse, sa position actuelle semble précaire, marquée par des conflits internes et un manque de direction. Bien que Jean-Luc Mélenchon soit arrivé en troisième place lors des dernières élections présidentielles, il n’a pas réussi à transformer la gauche en une force politique majeure pour autant. Cependant, les problèmes de la gauche ne sont pas survenus de nulle part, ils sont en réalité la résultante des changements internes suscités par le premier président socialiste de la Ve République: François Mitterrand.

 

Alors que la gauche n’avait pas accédé au pouvoir depuis la Seconde Guerre mondiale, François Mitterrand représentait, à l’aube de son élection en 1981, les espoirs de la gauche, notamment ceux des socialistes. En faisant alliance avec les communistes, comme l’Union de Gauche, Mitterrand a promis des réformes socio-économiques incluant davantage d’auto-gestion, une augmentation des nationalisations, et une participation democratique des ouvriers à l’économie. Cependant, malgré cette orientation clairement ancrée à gauche, Mitterrand a contribué au déclin du Parti communiste français (PCF), qui était autrefois le plus grand parti de gauche.

 

Pendant une grande partie du 20ème siècle, le PCF représentait la force de gauche la plus puissante en France. Il recevait régulièrement environ un quart des voix et exerçait également une grande influence au sein de la Confédération générale du travail (CGT). Cependant, durant les Trente Glorieuses et les événements de Mai 68, le soutien aux communistes a considérablement diminué. Une des raisons de ce déclin fut les changements socio-économiques ayant entraîné une amélioration du niveau de vie de l’électorat. Avec des modes de vie plus aisés et une économie plus forte, les Français ne trouvaient aucune justification pour voter en faveur d’un parti radical comme les communistes. De plus, le refus des communistes de participer aux mouvements de Mai 68 et de soutenir les élections de de Gaulle a entaché leur réputation

révolutionnaire parmi les gauchistes, les laissant dans une situation électorale précaire lors de l’élection de Mitterrand.

 

Bien que la première année présidentielle de Mitterrand fut prometteuse, la Gauche était extrêmement déçue à la fin de son mandat. Face à une économie affaiblie, Mitterrand tentait de renforcer le secteur public, mais ses efforts se heurtaient à la montée du néolibéralisme, incarnée par Thatcher en Angleterre et Reagan aux États-Unis, entraînant des tensions économiques mondiales incompatibles avec ses politiques. Contraint par les crises économiques telles que la balance des paiements, l’inflation et la spéculation sur le franc, Mitterrand fut contraint d’avoir recours à des mesures d’austérité. Le déclin du pouvoir communiste n’a pas permis d’offrir d’alternative crédible à cette politique néo-libérale. Ainsi, loin de promouvoir plus d’égalité sociale et économique, Mitterrand et son gouvernement se sont engagés dans une voie néolibérale, une orientation qui perdurait au-delà de son second mandat à l’Elysée.

 

Il semble que les orientations néolibérales et centristes de Mitterrand aient été en partie influencées par le contexte politique et économique mondial. Cependant des éléments suggèrent une réticence idéologique de Mitterrand avant même son arrivée au pouvoir. Jusqu’en 1971, le Parti Socialiste (PS) prônait des ambitions révolutionnaires, rejetant toute forme de réformisme. Mais sous Mitterrand, à l’époque Premier Secrétaire du parti, cette orientation fut abandonnée. Mitterrand privilégiait des réformes réalisables, même sans l’accès du PS au pouvoir.

 

En outre, Mitterrand est revenu sur son engagement à mettre fin au capitalisme, déclarant “pour le temps qui vient, l’économie socialiste se développera sur la base du double secteur sous la domination du secteur public et respectera les lois du marché sous la dominante du plan”. Ainsi à partir de 1971, Mitterrand a mené son parti vers une voie réformiste, renonçant au radicalisme et à la révolution qui avaient caractérisé le PS depuis le début du 20e siècle. Une fois au pouvoir, Mitterrand a continué cette tendance en acceptant une orientation économique néolibérale.

 

Ce tournant vers le néolibéralisme et centrisme s’est poursuivi au sein du Parti socialiste même après le départ de Mitterrand du pouvoir. Cependant, les communistes étaient incapables de présenter des alternatives électorales significatives. Ainsi, malgré la perte d’un projet

idéologique distinct, le PS est demeuré le choix principal pour la gauche, conduisant à l’élection de François Hollande en 2011. Tout comme son prédécesseur, Hollande n’a pas introduit de mesures radicales, mais il ne pouvait pas invoquer la même pression mondiale du néolibéralisme comme excuse.

 

Au début de son mandat, Hollande promettait des réformes et des mesures progressistes. Cependant, il n’a réussi qu’à faire adopter le prétendu Pacte de Solidarité, qui récompense les entreprises pour l’embauche de plus des salariés, les lois El Khomri, réorganisant la rémunération du travail en faveur des entreprises, et un projet de loi susceptible de révoquer la citoyenneté. De plus, c’est sous le gouvernement d’Hollande qu’Emmanuel Macron est nommé Ministre de l’Économie, ce qui a conduit à la loi Macron sur le travail dominical. Ces lois et mesures ont progressivement aliéné la section centriste du PS. En réponse, le PS s’est fragmenté, divisé entre pro et anti-Hollande, tandis que la popularité de ce dernier déclinait, entraînant une forte diminution du soutien envers le PS. Lors de l’élection présidentielle de 2017, le PS n’a récolté que 6% des votes.

Aujourd’hui, l’image de la Gauche demeure. Alors qu’une grande partie de la Gauche s’unifie sous la bannière de la France insoumise et de Jean-Luc Mélenchon, elle demeure désorganisée. Les membres peinent à trouver des points d’accords, ce qui nuit à leurs ambitions électorales. Pour espérer revenir à l’Elysée, la Gauche doit impérativement rompre avec l’héritage de Mitterrand et son orientation vers le marché. Elle a historiquement prospéré grâce à des politiques sociales et populaires, et il est temps de renouer avec ces valeurs.

Written by Reed McIntire, Edited by Axelle Devaux

Photo credit: Wikimedia Commons