Trois jours après la démission d’Elisabeth Borne, Gabriel Attal est nommé Premier Ministre, devenant ainsi le premier Premier ministre ouvertement gay et le plus jeune de l’histoire de la Ve République. Malgré cette façade progressiste et libérale, la Macronie continue d’établir une politique de droite comme la norme. De par la politique menée par le Président Macron, et son gouvernement, le paysage politique français semble de plus en plus intégrer des éléments de l’extrême-droite.

 

Macron et son parti adoptent une position centriste, une stratégie qui leur a permis de remporter deux victoires consécutives aux présidentielles. Ils aspirent à concilier les idées de la droite et de la gauche. Or, la Macronie peine à trouver un consensus, entraînant souvent un bourbier législatif. Ses tentatives pour introduire les réformes économiques et sociales, comme la réforme des retraites, conduisent à renforcer le soutien pour d’autres partis, notamment le Rassemblement National (RN).

 

Gabriel Attal, alors Ministre de l’Éducation, renforce des tendances droitistes, notamment dans l’éducation, où il impose des mesures anti-musulmanes au nom de la laïcité. La fameuse interdiction de l’abbaya, loin de réduire l’extrémisme islamiste, se révèle être symbolique et discriminatoire. Cette politique alimente les discours réactionnaires de l’extrême droite, incitant ainsi à l’introduction de nouvelles mesures et thématiques de plus en plus extrêmes, en dépit des revendications centristes de Macron et de son parti.

 

D’autre part, le projet de loi immigration représente une grande victoire pour l’extrême-droite. Après la censure de nombreux articles par le Conseil constitutionnel, le gouvernement et la droite se sont consultés et ont proposé de nouvelles mesures. Parmi les questions soulevées lors des négociations, on retrouve notamment l’allocation personnalisée d’autonomie et des prestations familiales ainsi qu’un allongement du temps requis pour prétendre au regroupement familial. Alors que le gouvernement considère ce compromis comme nécessaire, Marine Le Pen a salué une “victoire idéologique” pour son parti.

 

Le glissement vers une idéologie de droite est aussi visible lors de la crise de la réforme des retraites. Cette crise institutionnelle, démocratique, sociale et politique a entraîné des fluctuations significatives dans le soutien aux différents partis politiques, avec le RN en tête des bénéficiaires. Tandis que la France Insoumise (LFI) et Renaissance (RE) ont vu leur soutien diminuer dans presque toutes les catégories socio-professionnelles confondues, le RN a connu un succès constant. En fait, le soutien au RN a augmenté dans toutes les catégories socio-professionnelles ainsi que chez les personnes âgées de 35 ans ou plus.

 

Il est manifeste que, en cherchant des compromis afin de faire adopter des lois, Macron et son parti cèdent du terrain au RN. Bien que Renaissance ne soit pas un parti originellement de droite, leurs alliances avec de tels partis confèrent une légitimité aux positions de droite, ce qui contribue à renforcer le soutien en faveur du RN. Selon une sondage de la Fondation Jean Jaurès, le Rassemblement national est désormais considéré comme “crédible” et “désirable” par 44% des répondants, un taux supérieur de 16 points à celui attribué à la France Insoumise et inférieur de seulement 2 points à celui de Renaissance. De plus, 60% des Français estiment que le système démocratique actuel ne correspond plus à leurs aspirations. Il est donc manifeste que la France traverse une période de profonds changements sur le plan politique.

 

La montée de l’extrême droite et ses interactions avec le gouvernement actuel sous la présidence de Macron peuvent être interprétées de diverses manières, et il est difficile de tirer des conclusions définitives. Au cours des trois dernières années, la popularité de Macron a fluctué entre 30 et 40%. Il est donc possible que Macron et son parti cherchent des alliances et se tournent vers la droite, qui est souvent moins critique à l’égard des systèmes établis que la gauche. Cependant, il est également envisageable que Macron et son gouvernement adhèrent eux-mêmes à des idées de droite. L’utilisation à plusieurs reprises de l’article 49.3 par l’ancienne Première Ministre, Élisabeth Borne, pour faire adopter des lois, a été perçue comme anti-démocratique et a attiré l’œil du Conseil de l’Europe. De même, les déclarations de Macron, considérées comme islamophobes, notamment lorsqu’il a exprimé son souhait d’un “islam des lumières” pour lutter contre le terrorisme, ont suscité des critiques. Quelle que soit la motivation derrière ces alliances politiques et ces positions, elles contribuent à renforcer la représentation d’une politique influencée par l’extrême droite.

La normalisation de l’extrême droite a également un impact sur les citoyens ordinaires en France. En 2022, Adrien Ragot, figure emblématique du groupuscule identitaire lyonnais, les Remparts, a perpétré une attaque au couteau contre deux jeunes hommes en plein centre-ville de Lyon. En réponse, plusieurs parlementaires ont appelé à la dissolution du groupuscule, mais leurs demandes sont jusqu’à présent restées vaines. Cependant, en novembre 2023 à Lyon, les Remparts et des partisans se sont rassemblés en scansant des slogans racistes tels que “l’immigration tue” ou “Islam hors d’Europe”. Plus récemment, le successeur de Ragot, Sinisha Milinov, a été interpellé pour une attaque au couteau ayant grièvement blessé trois personnes. Malgré cette nouvelle attaque, Les Remparts n’ont toujours pas été dissous, ce qui pourrait refléter une impunité croissante pour l’extrême-droite.

De plus, les changements politiques ne se limiteront pas à la France, mais auront un impact dans toute l’Europe. Lors de manifestations des agriculteurs en février dernier, Marine Le Pen et le Rassemblement National étaient en tête des sondages d’opinion et semblaient destinés à recevoir 33% des votes dans les élections européennes. Jordan Bardella, candidat RN aux élections européennes, a déjà affirmé que son parti chercherait à devenir “une minorité bloquante” s’ils étaient élus. Par ailleurs, Marine Le Pen a également indiqué que le RN chercherait des alliances politiques à Bruxelles, notamment avec des Conservateurs et réformistes européens, parmi lesquels se trouve Reconquête d’Eric Zemmour.

Dans l’ensemble, il existe un risque que la France et sa politique basculent complètement vers l’extrême-droite. Si le Centre ne parvient pas à consolider sa position électorale, il est fort probable que l’extrême-droite accède bientôt au pouvoir. Afin de limiter l’impact de ces partis, il est impératif de faire pression en faveur de mesures et des lois sensibles, ainsi que de méthodes inclusives pour aborder les problèmes actuels.

Written by Reed McIntire, Edited by Axelle Devaux

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