En décembre 2018, le président de la République Française Emmanuel Macron a promis, lors de son discours à l’université de Ouagadougou (Burkina Faso), le retour d’objets artistiques africains mal acquis au cours de l’histoire coloniale de la France en Afrique et placés dans les musées français. M. Macron a commandé un rapport sur la restitution auprès de l’économiste sénégalais Felwine Sarr et de l’historienne de l’art française Bénédicte Savoy, qui ont tous les deux plaidé en faveur de la restitution. Gardant à l’esprit l’histoire du colonialisme, M. Sarr et Mme Savoy soutiennent que la restitution culturelle favorisera des relations plus équitables entre la France et ses anciennes colonies africaines.

Sous M. Macron, la France a accepté de démarrer un plan pour restituer plusieurs objets à ses anciennes colonies, et a déjà annoncé le retour au Bénin de 26 œuvres d’art emportées d’Abomey par l’armée française en 1892. Ce geste de la France a ravivé le débat international autour de la restitution d’objets d’art « mal acquis », et certains pays africains exercent maintenant une pression plus forte sur divers musées européens qui ont des collections d’art mal acquises.

En décembre dernier, à la suite du rapport du gouvernement français et à l’occasion de la réouverture du Musée royal de l’Afrique centrale en Belgique, le président de la République Démocratique du Congo de l’époque, Joseph Kabila, avait annoncé qu’il déposerait une demande officielle de restitution des collections détenues par le musée belge. M. Kabila souhaitait placer ces œuvres dans le futur musée national en construction à Kinshasa. On peut s’attendre à ce que d’autres anciennes colonies, telles que le Sénégal, fassent de même.

Les opposants à la restitution ont fait valoir l’argument selon lequel les collections sont protégées par la loi nationale et font partie de la propriété de l’État. La décision de la France de restituer les 26 objets au Bénin « ne change ni la politique du British Museum, ni la législation en  Grande-Bretagne », a déclaré Hartwig Fischer, directeur de l’institution londonienne, qui compte 73 000 objets en provenance de l’Afrique subsaharienne dans ses collections, pour la plupart obtenus pendant l’époque coloniale. De plus, le récit selon lequel les musées européens préservent les objets pour le bien de l’humanité est devenu omniprésent. En outre, la provenance de certains objets ne peut pas être spécifiquement recherchée. Par conséquent, il est impossible de déterminer avec succès si ces objets ont été achetés à juste titre ou à tort, et la propriété ne peut donc pas être véritablement vérifiée.

En revanche, les défenseurs du principe de restitution ont déclaré que le paternalisme présenté par ces pays détenteurs d’œuvres est une forme de néocolonialisme. Ce paternalisme sous-entend que les indigènes ne peuvent pas s’occuper de leurs propres œuvres, et il appartient donc à l’Europe moderne d’assurer la protection des objets, pour le plus grand bien de tous. Pire encore, cette vision reflète l’idée même de supériorité qui a motivé la conquête coloniale européenne en premier lieu. Magaye Gaye, président du parti sénégalais la Troisième Voie, a noté que sur les 90 000 œuvres d’art africaines en France, elle n’est actuellement disposée à en rendre que 26 au Bénin : selon M. Gaye, ce geste serait insignifiant. Le ministre de la culture du Sénégal, Abdou Latif Coulibaly, a appelé à la restitution de toutes les œuvres d’art sénégalaises conservées dans les institutions et musées français. « Nous sommes prêts à trouver des solutions avec la  France », a déclaré M. Coulibaly. « Mais si 10 000 pièces sont identifiées dans les collections, nous les demandons toutes. »

La question de la restitution est multidimensionnelle et comporte de nombreuses complexités qui remontent à plusieurs siècles. Bien qu’aucune solution simple ne soit disponible, il existe de nombreuses possibilités de croissance et de coopération future entre les pays, telles que les échanges artistiques et culturels.  Donc la première étape pour avancer est la reconnaissance de l’histoire coloniale. La reconnaissance par le président Macron du passé de la France en tant que puissance coloniale et, en conséquence, la recherche de moyens de réparer le conflit, ont créé un forum indispensable. Le prince Kum’a Ndumbe III d’AfricAvenir International, une organisation à but non lucratif qui réclame la restitution d’œuvres mal acquises, a déclaré que le rapport français était « le premier pas dans la bonne direction » et a ajouté, « qu’il ne s’agit pas que du retour des œuvres mal acquises. Lorsque quelqu’un vole votre âme, il est très difficile de survivre en tant que peuple. » Ndumbe a également exhorté d’autres pays européens, tels que la Grande-Bretagne et l’Allemagne, à suivre l’exemple de la France.