L’abstention chez les jeunes : se sentent-ils encore concernés ?
Le problème de l’abstention chez les jeunes n’est pas chose nouvelle. Il suffit de se pencher sur le taux d’abstention des élections régionales de juin dernier pour s’apercevoir que 85% des 18-35 ans ne se sont pas rendus aux urnes. Il en est de même pour les élections présidentielles de 2017, où, selon une étude IFOP, seule la moitié des jeunes sont allés voter. Mais d’où vient ce désintérêt politique et comment y remédier ?
Changement d’intérêt à travers l’omniprésence sur les réseaux sociaux
Nous sommes dans une ère où les réseaux sociaux ont pris le devant de la scène. Ces médias se sont emparés du jeune public, qui arrive non sans mal à se passer de leur téléphone. Les yeux scotchés devant leurs écrans, le pouce défile dans tous les sens afin d’assimiler une multitude d’informations, bien trop nombreuses pour être véritablement retenues. Tik Tok, Tinder, Instagram, Snapchat : impossible de s’y retrouver dans la jungle des applications. Cette omniprésence sur les réseaux sociaux incite les géants du numérique à développer davantage leurs algorithmes afin de montrer au premier plan le contenu par lequel l’utilisateur est intéressé. En effet, « l’algorithme joue le rôle du directeur des programmes qui individualise ce que voit chacun des membres d’un réseau social », explique Rémi Douine, expert social data et enseignant à Sciences Po Paris. Par ce biais, il est par exemple possible d’évaluer le temps que l’utilisateur a passé à regarder une publication. S’il l’a ignoré trop rapidement ou s’il a approfondi sa recherche en cliquant sur d’autres publications liées à la première, cela déterminera son comportement et permettra de se faire une idée des résultats des élections.
La difficulté d’atteindre les jeunes
Non seulement les jeunes ne se sentent plus concernés par la politique, ils se sentent désaffiliés. Mise à part quelques mesures financières, la proposition d’un abaissement de l’âge du droit de vote à 16 ans, ou bien le rétablissement du service national civil ou militaire – peu sont les candidats qui ont un programme centré sur la jeunesse. Cette avalanche de propositions ne fait que traduire la difficulté des politiciens à comprendre les véritables requêtes de la « génération Z », qui elle-même ne sait plus quelle direction prendre. Les crises économiques, sociales et politiques de ces dernières années, sans parler de la pandémie, n’ont cessés de renforcer un sentiment d’abandon et de solitude chez les jeunes, résultant à une hausse de tentatives de suicide en France, allant d’un peu plus de 6000 en 2019 à près de 9000 en 2022. Ce sont eux les acteurs de demain, et pourtant ce sont également les premiers à être mis à l’écart de toute discussion politique.
La nécessité d’adapter et réconcilier les jeunes avec la politique
Conscient du taux d’abstention alarmant chez les jeunes, entre autres en raison de millions de non- inscrits ou mal-inscrits, le ministère de l’Intérieur a mis en place un dispositif visant à vérifier les inscriptions sur les listes électorales afin d’éviter une nouvelle vague d’abstentionnisme.
C’est dans ce cadre qu’est survenue l’initiative fortement acclamée des deux étudiants Grégoire Cazcarra (ESCP) et François Mari (HEC Montréal), les créateurs de l’application appelée « Elyze ». Sortie en janvier 2022, elle a été conçue pour inciter les jeunes à voter et, par extension, lutter contre l’abstentionnisme de plus en plus grandissant en France.
Son fonctionnement est presque ludique, puisqu’elle imite l’application de rencontres de renommée internationale Tinder, tout en lui donnant un flair politique. En balayant l’écran à droite ou à gauche en fonction des propositions affichées, l’utilisateur découvre de quel candidat il est le plus proche. Les noms des candidats ne sont révélés qu’une fois avoir répondu à un certain nombre de propositions. On y retrouve également leur profil type Tinder soigneusement concocté, avec leurs positions face aux différents thèmes (environnement, économie, éducation, sécurité, etc.).
Une autre plateforme internet qui vise à mobiliser les jeunes lors de la campagne présidentielle est l’ONG « A Voté », qui se veut à la fois indépendante et apartisane. Elle s’engage à rassembler des associations locales et universitaires afin de favoriser l’engagement citoyen chez les jeunes et les rappeler à s’inscrire ou à actualiser leur inscription aux urnes. En effet, un autre problème majeur en dehors de l’abstention « consciente » est celui des personnes mal-inscrites qui sont inscrites dans un lieu qui ne correspond plus au lieu de résidence actuel – un chiffre qui va jusqu’à 7,6 millions selon la source INSEE de 2017 – et des personnes non-inscrites. La télévision étant devenue très impopulaire chez les jeunes, il est difficile d’atteindre le jeune public par ce biais et donc de leur donner des renseignements clairs sur l’agenda des élections 2022.
C’est plutôt à travers les médias en ligne fortement en vogue sur Instagram comme Brut, Konbini, Topito ou Le Quotidien, mais aussi Tik Tok, que s’informent les jeunes. Or, ces médias ont parfois tendance à être engrainés dans leurs idéologies, ce qui laisse peu de place à une diversité de points de vue. En occupant également les plateformes numériques, les médias plus traditionnels et les candidats de la présidentielle souhaitent ainsi davantage séduire le jeune électorat. C’est notamment le cas des collaborations avec les Youtubeurs de renommé, comme la vidéo d’Emmanuel Macron avec McFly et Carlito, ou encore les interviews des candidats par HugoDécrypte. L’idée est donc de combiner la politique et les réseaux sociaux afin de rapprocher les jeunes de la vie politique. Reste à savoir si ces efforts auront porté leurs fruits lors des élections d’avril.
Written by Mila Wölfer; Edited by Henri Gasquet
Photo Credit to Claudio Wedenig